Modèle de série
En 1949, Citroën commercialise enfin celle qui ne va pas tarder à devenir la plus populaire des voitures françaises. En offrant le strict nécessaire contre quelques billets de mille francs, la 2CV a su satisfaire une France convalescente.
L’éloge du minimalisme. Le 7 Octobre 1948, Pierre Boulanger dévoile la 2CV au salon de l’Auto en présence du président Vincent Auriol. La 2CV (cette appellation n’est apparue qu’en 1948, à la présentation de la voiture au salon, avant c’était TPV) n’est alors pas du tout opérationnelle. L’ouverture du capot fait constater l’absence de moteur, mais ce n’est pas ce qui va empêcher un profond intérêt de la part des français pour ce nouveau véhicule.
Tout ce que l’on peut savoir est écrit sur le prospectus distribué : « Le moteur est un 375 cm3 2 cylindres 4 temps à refroidissement par air » et la boîte de vitesses est une « 3 vitesses normales, plus une surmultipliée et une marche arrière ». Enfin, on y apprend aussi que « le démarrage à commande mécanique se manœuvre du siège conducteur ». Bien qu’elle ne soit pas mise en vente avant courant 1949 selon Citroën, soit un an après, cette 2CV A n’a en fait jamais été destinée à la vente pendant cette année, servant tout simplement à apporter des derniers ajustages et essais afin de valider leur construction.
Finalement, après de nombreuses modifications débouchera un modèle étalon et le 24 Juin 1949 une 2CV enfin aboutie est réceptionnée par le service d’homologation des Mines, conformément à une demande faite par le quai de Javel trois jours plus tôt. Il s’agit de la voiture portant le numéro de châssis 0001, à moteur ESSAI n°002 280. Lorsque de la fin de l’année arrive, seulement 878 exemplaires ont été produits (il en resterait aujourd’hui seulement une dizaine).
Cette 2CV est identique à celles qui seront construites quelques semaines plus tard à l’usine de Levallois (outre le catadioptre arrière, rectangulaire sur le salon mais rond en production). A 230 000 Francs cette auto à la présentation monocale n’a aucune rivale ! Résultat : les demandes affluent à un rythme tellement élevé que le constructeur est contraint d’établir un ordre de priorités. Sont servis en premier ceux dont la profession nécessite de fréquents déplacements, représentants de commerce, curés, médecins, banquiers… Malgré sa présentation austère, elle connaît donc un succès étonnant et les délais de livraison montent jusqu’à 5 ans et plus ! Elle ne connaîtra que très peu d’évolution au fil de sa carrière. Aujourd’hui très appréciée des collectionneurs par sa rareté, la 2CV A est aussi considérée comme la 2CV la plus authentique et la plus conforme à l’esprit de minimum automobile voulu par Pierre Jules Boulanger.
Toutes les voitures fabriquées depuis le 11 Juillet (date de début de mise en chaîne) sont stockées en vrac dans un atelier vide de Levallois en attendant d’être livrées au réseau. Aucune n’a les phares noirs.
Certaines ont leur capote protégée de la poussière grâce à un cartonnage provisoire. Sur le pare-brise, un petit papillon indique l’identité de la voiture.
La peinture qui recouvre les premières 2CV porte la référence AC 109. On ne lui connaît pas de nom officiel bien qu’elle soit parfois recensée sous l’appellation Gris Irisé. Cette peinture est un véritable casse tête car elle n’a jamais le même rendu d’une voiture à l’autre… Elle sera remplacée par le Gris Uni Foncé en septembre 1952 et son insigne de calandre perd son ovale à partir de Juin 1953. Avec seulement 9cv sous le capot (moteur de 375 cm3), le petit véhicule n’est pas un foudre de guerre. Mais elle permet de se promener tranquillement sur les routes départementales.
Côté banquettes, il s’agissait de garnitures en tissus de coton à double épaisseur. Les banquettes étaient positionnées sur rails avec des obturateurs de trous en fonction de où l’on décidait de la positionner. Ces petites pièces en caoutchouc étaient très utiles ; elles empêchaient l’eau d’entrer sous le plancher et la corrosion de s’installer. Le confort est remarquable ; les sièges, en dépit d’une simplicité biblique, sont on ne peut plus moelleux. Invariablement de couleur grise, ces garnitures disparaitront en Mars 1953 pour laisser place à un tissu de Rayonne à motifs écossais, beaucoup plus gai.
Rustique et minimaliste, la planche de bord comporte cependant l’essentiel et offre une large tablette vide-poches habillée par une garniture en moquette bouclée grise. La 2CV A n’était équipée d’aucune clé ; l’interrupteur de contact est encore commandé par une tirette au tableau de bord marquée C (en haut à gauche) et les portières ne peuvent être verrouillées de l’extérieur. L’antivol style vélomoteur livré par Citroën attache le volant à la banquette passager en basculant celui-ci, et ce à l’aide d’un simple câble. Ce n’est qu’à partir du 18 décembre 1950 qu’une clé est fournie. Une molette commande le volet d’aération. Cet accessoire est l’un des seuls qui soient restés identiques, dans leur principe, d’octobre 1948 à juillet 1990. Seul son emplacement a évolué au fil des années. A droite, le frein de stationnement en « canne de parapluie » était d’une efficacité relative, Citroën livrant avec la voiture… une cale en bois !
Un seul pare-soleil, un tableau de bord réduit à sa plus simple expression, une spacieuse tablette de rangement sous le levier de vitesses, la 2CV type A ne s’embarrassait pas de fioritures… il n’y avait que le strict minimum, et en plus, réduit à sa plus simple expression ! Lorsqu’ils ont conçu la 2CV, les ingénieurs du bureau d’études de Citroën, pour des raisons de poids et de coûts de production, se sont limités au minimum exigé par le code de la route alors en vigueur. C’est ainsi que la 2CV doit se contenter d’un seul feu rouge, situé au centre de la plaque minéralogique dont il assure aussi l’éclairage, et d’un simple catadioptre positionné à l’arrière gauche.
Séduisant les artisans français par sa simplicité donc, mais aussi par la capacité de chargement qu’autorise cette nouvelle voiture. A l’extérieur, une veilleuse unique et un catadioptre. C’est tout ! Côté mécanique, le petit moteur refroidi par air ne délivrant que 9ch réels, 375 cm3, est un modèle de robustesse et de fiabilité. En 1949, il faut déjà penser à présenter la petite Citroën pour le salon de l’auto de Paris. On recommence à mettre en scène l’intérieur de la 2CV pour le catalogue. On montre que l’on peut transporter de lourds objets, que la 2CV est l’instrument de travail des entrepreneurs et représentants de commerce… Citroën y exposera le moteur sans plus de fioritures dans un modèle dépourvu de ses ailes et de son capot.
La production de la 2CV, qui débute avec seulement 1000 exemplaires en 1949, atteint 6 176 unités de 1950 et 14 750 en 1951. Pour la petite Citroën, le succès est bel et bien là, sans qu’il soit nécessaire à son constructeur d’y apporter des améliorations significatives, ni même de proposer une peinture autre que le gris métallisé, accordé à des roues grises et des garnitures de siège et les intérieurs des portières du même ton. A partir d’Octobre 1949, disparition des feux de position et phares peints en noir. En Mars 1950, les phares noirs sont remplacés par des phares peints couleur carrosserie. Augmentation des cadences de production et au salon 1950, Citroën sort le modèle Utilitaire, la 2CV AU, produite à partir de Mars 1951.
A partir de Janvier 1951, quelques évolutions interviennent. Sur la planche de bord, la distribution des tirettes a évolué avec disparition de la tirette C (Contact), cette dernière étant remplacée par la clé. Ainsi le S (Starter) est maintenant en haut à gauche et le démarreur en haut a droite.
Lorsque l’on est habitué au tableau de bord des 2 CV des années 1970/1980, celui des 2CV A des années 1950 peut facilement ressembler à un grand désert ! Il est à noter que seuls le volant et la boule de levier de vitesse sont noirs, alors que tout le reste est… gris, gris et gris.
Au mois de Novembre, l’entourage des calandres est monté avec des vis de fixation à tête apparente. La 2CV A commence sa longue mutation en 1953 et en 1954 : mutation imposée bien souvent par l’augmentation des cadences de production, environ 10 000 unités de plus par an de 1952 à 1954. En Mars 1952, la fourchette d’embrayage est modifiée au niveau de la boîte de vitesses : le levier vertical agissant sur un axe horizontal est remplacé par une pièce en tôle emboutie. La capote abandonne sa toile en coton gris pour une toile mixte, en Rhovyl et coton, de couleur gris bleu. Au mois de juin 1952, les freins avants perdent leur plateau de fixation en aluminium, accolé à la boîte de vitesse, ainsi que leur tambour ajouré. Ils sont respectivement remplacés par des plateaux en tôle emboutis et des tambours fermés. Au mois de septembre, la plus grosse modification appliquée à la 2CV depuis le début de sa courte carrière a lieu : elle abandonne le gris métallisé pour adopter un gris vernis plus foncé, tandis que ses roues sont désormais de couleur ivoire. Sont fournis une trousse à outils et l’outillage nécessaire à la réparation de la 2CV.
Dès le mois de Mars 1953, la 2CV bénéficie d’un confort esthétique : garnitures de sièges et intérieurs des portières abandonnent le gris. Les sièges reçoivent un tissu écossais (rouge et or, vert et gris ou bleu et or) et le capitonnage de porte est désormais en tissu pied de poule.
La petite Citroën devient ainsi plus importante et encore plus attrayante que lorsqu’elle était entièrement grise.
Au mois de juin, le capot perd ses deux tiges qui le maintenait en position ouverte au profit d’une béquille centrale télescopique et le double chevron abandonne son cerclage ovale.
De 43 250 unités en 1954, la production de la 2CV A chute à 3 900 exemplaires en 1955, 215 à 1956, 57 en 1957, 105 en 1958,et enfin 86 en 1959. Celle qui fut tant attendue et qui avait tant mobilisé la curiosité des français finit son existence après 10 ans de carrière, remplacée par des modèles mieux finis et plus puissants. Il est difficile de dire quand l’arrêt de la production de la 2CV a eu lieu. Citroën ne l’a jamais communiqué, mais il semblerait qu’il n’y ait plus eu de 2CV A dès la fin de l’année 1959.Le procédé Lockey (breveté SGDG ou Sans Garantie du Gouvernement) était un petit accessoire d’époque, bien pratique qui permettait de bloquer la vitre en position haute. Ce n’est qu’en Avril 1954 que Citroën se décida à installer un téton sur l’angle inférieur du cadre et un petit bloc de caoutchouc sur la portière pour bloquer la demi-vitre. De 1949 à 1954, rien n’était prévu pour tenir cette dernière ! Découvrez davantage d’accessoires d’époque en cliquant ici.
Bonjour,
Comment fonctionnait ce « démarrage à commande mécanique depuis le siège du conducteur » ? Un levier commandé à la main (comme au pied sur une moto ?) ou une espèce de manivelle démultipliée ? Intrigant…