Les années 1950 ; pour espérer avoir une 2CV, il faut en vouloir
1950
Au salon de Paris 1950, Pierre Jules Boulanger retrouve le président de la république Vincent Auriol et lui présente cette année une 2 CV Utilitaire. On annonce un moteur plus puissant, son nom sera 2 CV AU (U pour utilitaire), et elle supporte une charge utile de 250 kgs. Une fois passée la folie des salons de Paris 1948 et 1949, la demande tend à se stabiliser en 1950. L’usine prodigue des efforts importants pour satisfaire les demandes du réseau. Celui-ci exige encore et toujours plus de voitures, malgré une production qui oscille désormais entre 170 et 190 exemplaires par jour.
La carrière de la 2CV semble bel et bien lancée lorsque Pierre Jules Boulanger trouve tragiquement la mort sur la Nationale 9. Il était à bord d’une Traction Avant 15/Six entre Clermont-Ferrand et Paris.
A Levallois, la production prend enfin un rythme respectable, et cela va s’améliorer d’années en années.
Pour cette version Utilitaire, la foule se presse, les demandes de renseignements affluent, les commerciaux présents sur le stand enregistrent toutes les commandes et prennent des acomptes. Pourtant, la 2 CV fourgonnette n’est même pas encore commercialisée ! Même les tarifs ne sont pas connus…
La production de la 2CV AU ne démarre qu’à partir de mars 1951. Les listes d’attente atteignent 4 ans. Citroën s’apercevra que beaucoup de professionnels commandent une seconde fourgonnette dès livraison de la première, pour être certains d’avoir une voiture de remplacement 4 ans plus tard. Sur toutes les berlines et fourgonnettes, à partir de décembre 1950, le bouton de contact est remplacé par une clé.
1951
Exposée à l’état de prototype au salon, la 2CV fourgonnette est présentée au Service d’homologation des Mines le 16 février 1951 dans sa version définitive, finalement équipée d’un moteur de 375 m3, le même que la 2 CV A. Elle peut transporter 150 kgs de charge utile avec deux personnes. Elle est alors réceptionnée sous le type 2CV AU et sa production commence immédiatement. La fourgonnette sera disponible à la vente dès le courant du mois de Mars dans une trentaine de concessions.
Il faut être très patient pour posséder la sienne car les listes d’attente sont encore très importantes. Il n’est pas rare que les personnes qui reçoivent leur 2CV en commande une autre de suite pour être sûr d’en avoir une dans 5 ou 6 ans.
Après le décès de Pierre Jules Boulanger, onze mois plus tard, c’est Robert Puiseux, gendre d’Edouard Michelin qui reprend les reines de l’entreprise. Lors du salon de l’auto de Paris 1951, c’est cependant Pierre Bercot qui accueille les officiels.
2CV Type AU
Portes à « ouverture inversée ». Calandre 2 chevrons et ovale. Capot à petites nervures et grilles de ventilation à la place des joues d’aile. Cabine en tôle ondulée avec deux grands médaillons emboutis sur chacun de ses panneaux latéraux arrière. Peinture de carrosserie d’un gris plus foncé que le type A (AC 118) et les roues sont peintes en couleur « ivoire ». Un rétroviseur est fixé sur l’aile avant gauche. Le positionnement latéral du réservoir dans le flanc droit de la carrosserie a permis d’abaisser le seuil de charge du volume arrière. Plus d’infos sur la 2CV AU…
1952
Avec l’inflation les prix de la 2CV se sont envolés, mais elle reste toujours la voiture la moins chère du marché. Son usage est multiple et sa charge utile est très appréciée des métiers de la livraison. La Poste, qui s’intéresse à la petite Citroën depuis 1949, acquiert ses premières 2CV AU en 1952. Toujours aussi peu dotée en équipements et aussi peu appréciée par ses détracteurs, elle commence à avoir ses premiers fanatiques, comme la presse les qualifie. 87% des détenteurs de 2CV sont satisfaits de leur achat, 16% même affirmant ne pouvoir acheter désormais d’autres types de voiture ! Cela dit, 31% souhaitent une augmentation de la puissance et 20% de meilleures finitions.
1953
La 2CV poursuit sa lente montée en puissance et se découvre de plus en plus d’aficionados qui entament, à son bord, de véritables raids autour du monde, bien avant que la mode ne soit lancée. Elle participe aussi à des épreuves sportives (rallye touring Club d’Autriche en février 1953 : épreuve remportée !)
Les 2CV Berlines et fourgonnettes (une trentaine) entrent en fonction avant la fin de l’année 1953 dans le parc automobile de l’administration des PTT. La mise en place totale sera très longue (jusque dans les années 1960), car l’administration des Postes n’était pas suffisamment riche pour équiper l’intégralité des centres de distribution plus vite et surtout, il fallait que les facteurs passent leur permis !
1953 ressemble à une année calme : depuis 1949, la petite Citroën, longuement mise au point, n’a évolué que sur d’infimes détails. Elle n’offre toujours qu’une seule motorisation, une seule finition, et même, une seule couleur, le gris ! La seule variante possible concerne donc la carrosserie avec la fourgonnette. On pourrait croire que rien ne changera jusqu’à l’arrivée de l’AZ en 1954 mais finalement courant 1953 la 2CV opère une mue discrète mais décisive. En Mars, l’habillage intérieur des panneaux de porte drap gris cède sa place à un habillage confectionné dans un tissus blanc à motif pied de poule noir ou vert. Le drap gris de la sellerie des banquettes est remplacé par un tissu écossais disponible en deux nuances : bleu marine et or à grands carreaux ou bleu, rouge et or à grands carreaux. Un troisième, vert et gris à petits carreaux sera disponible à partir de Juillet. Mai rime avec modification des bras d’essieu au niveau des portées de roulement (diminution de l’épaisseur). En Juin, les deux béquilles latérales de capot sont supprimées, remplacées par une béquille télescopique centrale articulée depuis le tablier. Le capot est donc modifié en conséquence avec un support d’articulation soudé au milieu de la face interne du capot. De plus, le système d’ouverture de capot change ; il faut désormais tourner la poignée pour dégager le pêne de la gâche alors qu’il fallait la tirer auparavant.
La 2CV perd ensuite l’emblème de capot ovale caractéristique des toutes premières 2CV. Depuis Mars 1952, les têtes de ses vis de fixation sont visibles.
A partir de Juillet, le ventilateur est à quatre pales au lieu de huit et le vilebrequin est renforcé. En Septembre 1953, la berline se voit offrir un volant et une colonne de direction peints dans une couleur grise AC 118 comme la caisse, les armatures de banquette et les pare-chocs.
1954
Premier lifting. Changement du type de calandre. Le cercle a été retiré, il ne reste que les deux grands chevrons en aluminium. Le trou pour la manivelle est toujours présent. L’année 1954 (septembre/octobre) est principalement marquée par la commercialisation d’un nouveau modèle de berline et de fourgonnette avec moteur de 425 cm3 dont l’existence avait été révélée au Salon de l’auto de 1950, mais sans que personne ait pu le voir. Ces deux nouveaux modèles sont respectivement appelés 2CV AZ et 2 CV AZU, et peuvent atteindre les 70 km/h. Un nouvel embrayage équipera la 2CV AZ, un dispositif centrifuge monté en plus de l’embrayage conventionnel, qui débraye de lui même en dessous de 1000 tr/min. Il permet ainsi de circuler en ville, dans les embouteillages, en ne se servant que de l’accélérateur et du frein. L’apparition de ces deux nouveaux modèles sera fatale à la 2 CV AU au moteur de 375 cm3.
A travers toute la France, le phénomène Deuche commence lentement mais surement à déborder le simple cadre des pours et des contres. Petit à petit, la 2CV commence à gagner du terrain et les concurrents craignent de plus en plus la Petite Citroën
Sur la 2CV berline, il y a désormais deux feux arrières (le stop étant placé du côté droit), et deux clignotants latéraux ovales. En 1954, Citroën enregistre sa meilleure année de production de 2CV depuis 1949 : 43 250 exemplaires. Les délais de livraison sont redescendus à 3 ans.
2CV PO
En avril 1954, un modèle appelé 2CV PO (pour « POussière ») est proposé aux Colonies Africaines et aux territoires d’Outre-Mer pour protéger le moteur du sable. La 2CV PO, disponible en version berline ou camionnette sur le catalogue de Citroën, ne fut jamais une série spéciale mais bien une préparation spéciale.
Châssis renforcé (celui de la 2CV AZU), filtre à air Miofiltre avec les 2 avertisseurs regroupés ensemble de l’autre côté du bloc moteur, pare-chocs avant avec plaque de protection de carter, faisceaux électriques plus résistants ont été adaptés afin de faire face aux conditions « tous chemins ».
2CV Type AZ / AZU
Modifications châssis au niveau de la suspension, avec apparition de la suspension à ressorts apparents, adoptée en décembre 1954 et abandonnée en mai 1955 car il arrivait que des cailloux se bloquent entre les spires des ressorts, faisant pencher la voiture. Changement de moteur passant de 375 à 425 cm3, 66×62 mm d’alésage/course, puissance réelle de 12 chevaux à 4000 tr/min et un embrayage centrifuge pour le modèle berline. Adoption de clignotants latéraux et de deux feux rouges à l’arrière, celui de gauche assurant la fonction de feu stop.
La peinture : gris clair jusqu’en septembre 1961 (AC 132 ou AC 135). Les roues de la berline ne sont plus peintes en Ivoire AC 113 mais en Ivoire AC 123. Garnitures de sièges : bleu et rouge et or, vert et gris et bleu et or. Prix de la 2CV AZ à sa sortie en octobre 1954 : 366 000 Francs, 2 CV AZU : 361 500 Francs (avec supplément de 5500 Francs pour le siège avant supplémentaire à droite).
1955
Dès septembre 1955, l’usine monte une nouvelle génération de suspensions sur les 2CV A et les 2CV AZ, après l’avoir essayé sur les fourgonnettes depuis Mai 1955. Elle se distingue par des ressorts « anti-galops » remplacés par des butées en caoutchouc. Il s’agit de limiter les variations de débattement en phase de plongée, jugées excessives par les ingénieurs de Javel. Le réseau commercial a remonté à la direction des remarques de clients qui trouvent la suspension de leur voiture trop souple dans les virages. En fait, cela provient de la qualité des ressorts qui ont tendance à se détendre à partir de 40 000 kms, provoquant une prise de gîte trop importante quand la caisse est mise en appui.
Pour rappel, Citroën procède à des essais permanents de différents types de suspensions sur la 2CV, dont un système monté en décembre 1954 sur quelques voitures de série, et abandonné en mai 1955, consistant à utiliser des ressorts apparents, et non plus protégés. Ce fut un échec total, mais aujourd’hui, ces modèles de 2CV à ressorts apparents sont âprement recherchés par les collectionneurs.
1956
On y est. Citroën peut pavoiser. Si la DS est loin d’être au point et fait jaser les journalistes qui comptabilisent ses pannes à répétition, la 2CV est enfin un succès industriel et commercial. A tel point qu’il faut envisager de trouver des partenaires pour mener à bien la montée en cadences.
La finition de la petite Citroën s’améliore avec la sortie de la 2 CV AZL (L pour Luxe) développée à partir de la 2 CV AZ en Novembre 1956. Ce troisième modèle ne fait l’objet d’aucune évolution mécanique. Le confort du conducteur a été amélioré et la présentation intérieure et extérieure a été soignée. C’est certainement l’arrière de la 2CV AZL qui la distingue le plus des précédentes. Elle adopte une capote à grande lunette (345 x 860mm au lieu de 277 x 647 mm) dont la couleur du tissu de coton plastifié (vert foncé ou bleu foncé) est accordée à celle des garnitures de sièges, fines à rayures. Dégivrage du pare-brise, compteur éclairé ainsi que quelques joncs chromés qui soulignent la ligne de la 2CV déjà considérée comme démodée depuis 1948.
Le revêtement intérieur des portières est en plastique lavable à motif veiné depuis Juin 1956. Il est fixé sur un panneau de contre-plaqué à l’aide de vis cruciformes et de rondelles-cuvettes.
2CV Type AZL
Pour doper encore un peu plus les ventes, la 2CV s’embourgeoise dans cette version « Luxe » qui s’offre des finitions en hausse, s’offrant même un véritable dégivrage de pare-brise.
Elle a les mêmes caractéristiques moteur que l’AZ mais se concentre sur l’équipement, plus luxueux ; joncs en aluminium polis sur les bas de caisse, sur le pare chocs arrière et au centre du capot. Capotes de différentes teintes accordées aux garnitures de sièges. A partir d’octobre 1957, les 2 CV AZL et AZLP sont disponibles avec la capote couleur grenat, et des garnitures de sièges en tissus bayadère rouge en plus des capotes bleues foncées accordées au tissus bayadère bleu, et des capotes vert foncées accordées aux garnitures de siège en tissus bayadère vert. Armatures de sièges, volant, boule, roues, pare-chocs et phares en gris clair.
Citroën cherche à donner une image jeune et branchée à sa 2CV qui séduit aujourd’hui toutes les couches de la population !
En septembre 1957, petite révolution : la 2CV se dote enfin d’une vraie porte de malle arrière, en lieu et place de la capote qu’il fallait rouler. Jusqu’à présent, seuls les accessoiristes la proposaient. La nouvelle venue s’appelle AZLP. Petite attention, le coffre à bagages se ferme désormais à clé, celle-ci étant la même que que celle utilisée pour la porte conducteur et le contact. Moderne non ? Maintenue ouverte par une béquille latérale, elle peut même très aisément s’enlever si l’on a besoin de transporter un objet très volumineux.
2CV AZLP
Alors que les Type A, AU, AZ, AZU, AZL restent en production, sort la 2CV Type AZLP ou AZLM (P ou M pour Porte de Malle) qui délaisse la bâche longue pour s’équiper d’une porte de malle, plus utile, qui manquait depuis neuf ans. Porte de coffre avec poignée et serrure. Réservoir Lockheed en verre.
1958
En Mars 1958, stupéfaction à la sortie de la 2CV « Sahara ». L’idée nous vient des Landes, d’un ingénieur aéronautique reconverti dans les travaux publics, qui n’a rien à voir avec Citroën. Il a réalisé ce prototype « maison », équipé de deux moteurs, dans le but de créer une voiture simple capable de remplacer les Jeep utilisées sur les chantiers car elles consomment beaucoup de carburant et leurs pièces détachées sont chères et de plus en plus rares. Le quai de Javel a été averti de cette invention par l’agent Citroën d’Oloron. Le constructeur, dans une lettre datée de Juin 1957, demande à l’inventeur la possibilité de faire essayer la 2CV bi-moteur par ses techniciens.
Test concluant, puisque Citroën ordonne la construction de deux prototypes et confirme aux journalistes, le 4 Mars 1958, l’existence d’une « 2 CV Citroën à quatre roues motrices étudiée pour le Sahara ».
2CV Sahara
Quatre roues motrices sur une 2CV ! Pour réaliser cet exploit, Citroën a doté sa berline de deux moteurs. La nouvelle 2CV 4×4 est capable, à pleine charge, de franchir dans le sable des pentes de + de 40%. Sa production s’arrêta en 1967 et peu de modèles ont été vendus, tandis que 694 ont été fabriqués en 6 ans. Deux moteurs, deux boîtes à 4 rapports, 735kgs, roue fixée sur le capot, ailes arrières découpées, 100km/h max.
1959
Le modèle 2CV AZL évolue. Dans une note datée du 6 Août envoyé par Citroën à son réseau commercial, la firme annonce que les 2CV AZL seulement, avec ou sans porte de malle, sortiront en deux teintes au choix du client ; le gris habituel et le bleu glacier. Les garnitures de sièges et les capotes seront bleues sur les voitures bleues glacier, et bleues, rouges ou vertes sur les voitures grises. La montée en cadence de la couleur bleue demandera quelques jours. Ajout d’un volant en métal, d’un compteur sur la gauche, de pédales en caoutchouc « rondes ».
Nouveau pare soleil plastifié qui remplace celui en carton bouilli, et nouveau miroir de rétroviseur.
Disparition du modèle historique 2CV A. En équipement supplémentaire (le terme option n’est pas encore de mise), un poste de radio amovible à transistors, fonctionnant sur piles est disponible.
En septembre 1959, la 2CV perd ses grandes roues de 400 au profit de roues de 380 plus petites, toujours fabriquées par Michelin. De plus, si les anciennes roues étaient chaussées de pneumatiques Michelin Pilote de 125 x 400 optiquement assez étroits, les nouvelles roues reçoivent des pneumatiques de même marque et de même type mais en 135 x 380. Ils sont plus petits mais aussi plus larges, et cela suffit à modifier l’allure générale de la voiture.
A la fin de l’année (Année Modèle 1960), le Radioën sort en option.
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1954 PO d’après mes infos c’était ‘Pays Outre-mer’ plutôt que ‘POussière’?