Dans les années 1938-1939, il n’était pas question de montrer les prototypes les plus voyants dans leur forme définitive. On utilisait alors le centre d’essais secret…
La Ferté Vidame se trouve dans le département d’Eure et Loir, à environ 120 kms à l’Ouest de Paris. Le site de la Ferté Vidame, est à l’origine un château et son immense parc. André Citroën avait émis l’idée d’acquérir un centre dédié à l’automobile pour parfaire les modèles et c’est après sa mort, en Novembre 1938, que Citroën achètera l’intégralité du domaine, le bureau d’études ayant manifesté son intérêt pour la superficie de 900 hectares et son mur de 2 mètres de haut et de onze Kms qui entoure et protège le parc. Quelques bâtiments servaient d’ateliers. C’était la deuxième propriété française de cette importance entourée de murs après Chambord !
Pierre Jules Boulanger aurait dépensé 5 millions de Francs de l’époque pour acquérir ce lieu top secret.
La piste dissimulée dans le parc permettait aux employés de la marque aux chevrons de tester les modèles mythiques que nous connaissons aujourd’hui, car c’est bien ici qu’ont roulé les premières 2 CV- TPV -, DS, SM et autres Type H
Les pistes et les circuits ont été pensés afin de s’adapter aux différentes conditions que l’on peut rencontrer sur les routes ; terre, pavés, crevasses, surfaces plus ou moins lisses, ronds points, feux tricolores, trottoirs… Tout a été pensé afin de faire souffrir les voitures et de tester leur résistance !
Pendant la guerre, Citroën y cacha 3 prototypes première version auxquels on s’intéressa de nouveau dans les années 1970, pour les extraire en 1997, et ce par le toit car car les trois 2CV (TPV) restantes étaient complètement murées !
La toute première piste d’essai était la cour intérieure de la ferme et les prototypes étaient abrités dans les granges annexes. Le but de ce centre étant de tester les nouveaux véhicules, Citroën améliora tout au long des années ses routes d’essai et un premier circuit routier fut créé ; la ligne de la Simonnerie, pour les tests sur les pavés, la ligne de Neuilly pour les tests sur route (goudronnée), et la ligne de Bourgneuf pour les tests suspensions/amortisseurs car bosselée. C’est sur ces trois axes, le « triangle colonial » que les véhicules subissaient entre 20 et 40 000 kms de tests. Les mécaniciens quant à eux parcouraient chacun 200 à 400 kms par jour, la « balade test » comprenant par exemple de la route classique, un test frein, passage dans la boue et arrêt de quelques minutes pour examiner le véhicule…
L’étanchéité et la résistance aux températures extrêmes pouvaient aussi être étudiées à partir des années 1960, et des hangars seront construits par la suite pour abriter tous les véhicules. Au final, 32 kms de circuits furent donc élaborés, et bien sûr certains modèles ayant roulé sur ces pistes ne dépasseront jamais le stade de prototype…
SACRÉE DÉCOUVERTE !Les Prototypes 2 CV TPV oubliés dans le grenier de La Ferté-Vidame
Vous en avez surement entendu parler. Les 3 prototypes avaient en effet été entreposés à l’abri des regards pendant des années. Il s’agissait du prototype quasiment prêt pour le salon de l’Auto de Paris en 1939, si la guerre n’avait pas éclatée.
Ces prototypes seront oubliés, alors que sur le site du centre d’essai, chacun se souvient de ces trois modèles de « Toute Petite Voiture- TPV » cachés dans le grenier mais dont le grand public n’a jamais eu connaissance. On n’en parlait pas, c’est tout. Lorsque deux membres du conservatoire Citroën se rendent en 1994 à la Ferté-Vidame afin d’y chiner des pneus anciens et autres pièces à récupérer pour les voitures de collection Citroën, c’est le début de l’histoire qui renaît.
Sur place, un employé de la maintenance leur indique que des 2CV TPV et accessoirement des pièces sont en train de sécher comme des saucissons dans un grenier. Après cette information, c’est Mr Wolgensinger – ancien directeur de la communication de la firme – qui fit intervenir un photographe afin de tirer le portrait des véhicules.
C’est ensuite par la publication d’une photographie prise par Marcel Allard, alors responsable des relations Techniques au département Presse, et publiée dans l’ouvrage « La 2CV, nous nous sommes tant aimés » de Jacques Wolgensinger, que leur existence est révélée en Novembre 1995.« On croit qu’il n’y a eu qu’une seule rescapée de la série 1939, mais il en existe 3 autres, bien cachées dans leur cocon de toiles d’araignées et de poussière, dans un grenier inaccessible de la Ferté-Vidame. »
Connus, ces modèles uniques devenaient intouchables.
A noter qu’une première rescapée fut mise au jour en automne 1968. Mr Wolgensinger eut l’occasion, avec l’accord de Pierre Bercot, de la remettre en état. Elle était déjà sur le site de la Ferté-Vidame, où elle avait été cachée par Henri Loridant avant la guerre. Le directeur de la communication de Citroën organisa par la suite une séance photos avec le photographe Georges Guyot et un mannequin. A noter qu’elle était mise à disposition des journalistes et était parue dans plusieurs articles. Suite au départ de J. Wolgensinger, quelqu’un eut la malencontreuse idée de repeindre cette 2CV grise d’origine en vert Kaki.
Une autre 2CV TPV aurait été sauvée des usines Michelin à Clermont-Ferrand, il est conservé au musée Henri-Malartre, près de Lyon.
Revenons à notre découverte. On attendait patiemment. Quand allaient-ils se décider à les montrer ? C’est à l’occasion des 50 ans de la 2 CV (à l’hiver 1997) que la décision fut prise de les sortir de leur sommeil. Et l’exhumation de ces trois prototypes n’est pas une histoire banale…
Le toit de la ferme du centre d’essais de La Ferté-Vidame est scié et entre-ouvert, une rampe a été construite pour enjamber le mur, une plateforme provisoire a été élevée et est supportée par un échafaudage le long du bâtiment, pour descendre avec un élévateur les trois bijoux. En effet, sortir ces 2CV fût une véritable mission, un ancien aurait expliqué que pour un gain de place, on avait suspendu les trois voitures par des cordes à la charpente, et l’on pouvait ainsi garer d’autres voitures dessous. Le plancher du grenier aurait ensuite été construit et finalement les voitures auraient été reposées dessus.
L’une d’entre elles intègrera le conservatoire Citroën à Aulnay sous Bois. Elles ne seront jamais lavées, restaurées ni lustrées. On a seulement changé les chambres à air crevées en conservant à chaque fois son pneu d’origine.
Lorsqu’elles sont retrouvées, les 2CV de 1939 ont toutes leurs glaces mais elles sont en caisse car elles ont beaucoup gondolé à cause des changements de températures lors des 59 hivers passés dans le grenier. L’intérieur d’une des voitures retrouvées montre une modification du système de changement de vitesses par rapport à celui que vous verrez en photo ci-dessous. En effet, une grille en H permettait de passer les vitesses, alors que sur les autres prototypes, il s’agissait d’une tige classique qui sortait tout droit de la planche de bord.
Un volant très proche de celui de la 2CV de 1948, un commodo de traction noir pour l’éclairage. Sur le capot, un double chevron très écarté embouti dans la masse. 16 nervures avec un renfort inférieur qui tient la tôle inférieure qui sert de buse d’air moteur. L’essuie-glace est une petite manivelle actionnée de l’intérieur, pas de moteur électrique ou à dépression. Les 3 capotes sont identiques dans leur conception. A l’arrière, une glace en Mica. Elles se roulent d’avant en arrière avec sangle de retenue. La toile du coffre se roule elle aussi et s’attache en place par deux boutons pressions en plus des sangles.
Le premier prototype a été reconstitué en 1968 pour les 20 ans de la 2CV par Citroën, alors que ce dernier était conservé dans des caisses dans les réserves du centre d’essais. Il se trouve désormais exposé à Aulnay Sous Bois au conservatoire de la marque aux Chevrons.
Cette 2CV à un phare est la seule qui ait véritablement roulé comme le prouvent l’état général de sa carrosserie et les nombreuses modifications du détail qu’elle comporte.
Le second, sans phare et sans capot, mais mécanique n’a pas été cannibalisée. Aucune trace d’usure sur les pneumatiques ainsi que sur le châssis qui est très propre. Tout au plus a t-elle pu se rendre par la route depuis l’usine de Levallois jusqu’à La Ferté Vidame par un temps sans pluie. A l’intérieur, c’est très incomplet. Elle aurait donc été conservée parce qu’elle était neuve.
Le troisième, sans phare, est entièrement peinte en vert armée comme la 2CV sans capot et sans phare. L’intérieur de cette dernière est le plus complet et le mieux conservé des trois. Passablement cannibalisée, la mécanique de cette 2CV semble cependant n’avoir jamais servi ou alors excessivement peu. Les deux banquettes hamacs sont quasiment intactes et comportent chacune leur large coussin à deux coutures longitudinales. Cette 2CV semble ne jamais avoir roulé, ses pneumatiques Michelin Pilote 125×400 sont neufs et les intérieurs d’ailes, ainsi que tout le dessous de la voiture, sont d’une propreté qui caractérise les voitures neuves. Des trois automobiles, elle est la seule à posséder une capote intact. Les ailes en tôle ont bien moins résisté au temps que les autres éléments de carrosserie en aluminium.
Le quatrième, sans portes mais avec 2 phares et un capot. Capote en très mauvais état.
Les 4 exemplaires sont donc désormais stockées au conservatoire de la marque, et un 5ème se trouve dans un musée près de Lyon.