La 2CV dans les années 1940

Les années 1940 ; la présentation de la première 2CV aux français

1941

Petit à petit, au cours de l’année 1941, la 2CV revient à l’ordre du jour. Persuadé que l’occupation allemande ne sera pas éternelle et que la France retrouvera sa liberté, Pierre Boulanger sort la petite Citroën de son sommeil forcé et les études reprennent en cachette. La 2CV sera la voiture « parfaite » d’après guerre, tant économiquement que matériellement.
Pendant la guerre, PJB travaille en secret sur son projet, refusant des propositions allemandes qui veulent en savoir plus. La convention d’armistice interdit en effet aux constructeurs auto de l’Hexagone d’étudier de nouveaux modèles de voiture de tourisme. En prévision des conditions économiques et industrielles qui seront celles de la France au sortir du conflit, la petite voiture doit s’adapter. Elle abandonne ainsi les matériaux couteux que sont l’aluminium et le magnésium au profit de la tôle d’acier.

1942

La voiture telle qu’on a tenté de la fabriquer coûte encore trop cher car il y a une importante utilisation de métaux, et cela n’est pas compatible avec les restrictions d’après guerre imposées aux constructeurs. De nombreuses modifications sont donc apportées, et les premiers essais routes peuvent commencer. Une première TPV, surnommée « Cyclope », avec un seul phare  sur le capot sera revue car cet unique phare posait problème.  En effet, la pose de deux phares n’était pas obligatoire à l’époque car la 2CV entrait dans la catégorie des « quadricycles à moteur ». Le phare se trouve à gauche du capot car positionné au centre, de nombreux véhicules prenaient la 2CV pour une moto et frôlaient dangereusement la carrosserie.

Prototype 2cv un phare cyclope 

Mais tout cela évolue petit à petit. Côté moteur, Walter Becchia venant de chez Talbot est chargé en Avril 1944 de revoir le moteur refroidi par eau conçu avant guerre. Il dessine, avec l’aide de Lucien Girard, un moteur bicylindre de 375 m3 à refroidissement par air. Ils y adjoignent une nouvelle boîte de vitesse à 4 rapports. Elle dispose aussi d’une suspension à ressorts hélicoïdaux, à amortisseurs à friction et batteurs d’inertie, inventée par Léon Renault, lui procurant sa légendaire tenue de route. Côté carrosserie, elle gagne un second phare.

La 2CV possède enfin ses lignes définitives et est prête à entrer en production.

1945

Son départ est cependant très lent. Les stocks d’acier étant pauvres, l’état français réserve la matière première à Renault devenue régie nationale, qui produit dès 1947 la 4CV, concurrente directe de la 2CV.

2cv prototype ferté vidame

1947

Le vilain petit canard de 1939 est bien loin : le moteur est fiable, la caisse prend peu à peu sa forme définitive et la suspension à barres de torsion de Mr Renault est ultra performante. Ils la baptiseront « Batteurs » car Boulanger déteste le mot « Amortisseurs ».

Cette suspension, une des plus belles réussite de l’histoire automobile d’après certains ingénieurs, n’est mise au point qu’en 1947, après 8 années de tâtonnements intuitifs.

A la fin de l’année 1947, le marché de la voiture populaire est occupé par la Renault 4CV mais pas que, avec aussi la Panhard Dyna et la Simca Six, présentée au Salon de Paris de 1947.

simca 6
Simca 6 1947

1948

Depuis l’avant guerre, toute la presse automobile française sait que Citroën prépare une petite voiture populaire très économique et, depuis le premier Salon de Paris de l’après-guerre organisé en octobre 1946, tous les observateurs s’attendent à la voit apparaître incessamment. Mais en vain ! Pour de nombreux magazines, TPV signifie « Toujours Pas Vue » !
En effet, la presse annonce avec grande prudence l’arrivée d’une petite Citroën. Quelques heures avant l’ouverture du Salon, Charles Faroux, célèbre journaliste de l’époque s’entend confirmer de la part de Pierre Jules Boulanger qu’il n’y aura rien de nouveau du côté du stand Citroën cette année… Le contexte économique n’est pas excellent en ce jour d’ouverture du salon. En Janvier, le Franc a été dévalué de 44.4%. La conjoncture d’après-guerre de la France fait que l’on utilise encore les tickets de rationnement pour le pain…

 

Le premier catalogue sur la 2CV était un fascicule imprimé par Citroën en 60 000 exemplaires, 2 pages recto verso. Ce tout petit document (en photo ci dessus) 18.3cm x 13,7 cm fait éloge du nouveau modèle et annonce le tarif : 185 000 Francs.

Mais la veille de l’ouverture, trois voitures quittent le bureau d’études de la rue du Théâtre et arrivent bâchées au Grand Palais.Deux possèdent une carrosserie complète tandis que la troisième ne possède ni capot ni ailes avants afin de mieux laisser admirer sa mécanique. Et en cette journée du 7 Octobre, la France entière voit enfin la concrétisation du projet de Pierre Boulanger et de toutes ses équipes. Tant d’années se sont écoulées depuis le premier cahier des charges. Jeudi 7 Octobre 1948. 9h30. Ouverture Officielle du Salon de l’Automobile de Paris, au grand Palais de Paris. La splendeur architecturale de l’édifice de verre et d’acier construit pour l’exposition universelle de 1900 semble étouffer par la présence d’un public venu en nombre, et par les stands des constructeurs collés les uns aux autres dans cet espace confiné. PJ Boulanger est déposé par son chauffeur et se dirige vers le stand Citroën.

Alors que le président de la République, Vincent Auriol, s’approche du stand Citroën, Pierre Boulanger fait retirer les bâches. La foule n’a ensuite pas attendu pour se ruer dessus, car elle est enfin là, cette petite Citroën que l’on attend depuis 10 ans !

salon de l'auto 1948 2cv
PJB explique au président ce qu’il sait déjà ; pénurie de matières premières, vétusté des machines et planification gouvernementale ont fait que la 2CV est présentée tardivement. Elle devait être la vedette du salon de 1938 s’il n’y avait pas eu la déclaration de guerre !
Le président Auriol se voit offrir le luxe d’apprécier la douceur de la banquette avant mais il décline. Il a été opéré d’une hernie discale quelques semaines plus tôt et tout effort lui est interdit. Quant aux journalistes et aux badauds, certains se demandent s’ils ne sont pas victime d’un canular. Certains visiteurs ne voient en elle qu’une voiture grise et laide, aux suspensions molles et à la capote qui s’ouvre comme une « boîte à sardine ». Elle est moquée aussi bien par le public que par les constructeurs automobiles.

Des employés de la Régie Renault, présents sur le stand d’en face, tirent le portrait de la petite Citroën aux passants, grand sourire aux lèvres : « Citroën vient de dévoiler ce qu’ils osent appeler une voiture !  Vous verriez ça ! Ca a bien 4 roues et sans doute un moteur mais franchement ça doit rouler aussi bien qu’une savonnette  et c’est d’une mocheté ! » La presse n’est guère plus tendre et les journalistes se croisent en s’échangeant les blagues les plus douteuses sur la 2CV, en lui prédisant une fin aussi discrète et rapide que sa présentation aura été amusante et longue à venir.

Mais l’habit ne fait pas le moine. Au fur et à mesure que les jours du salon passent, les autres constructeurs commencent à rire jaune. Citroën a réussi à toucher le public. Jusqu’à la fin du salon, la foule se pressera pour apercevoir « la bombe du salon de 1948 ». Les misères de la guerre s’éloignent et l’industrie française relève enfin la tête. La 2CV tient la vedette de ce salon où il y a jusqu’à deux heures de queue.

Salon auto de Paris 1948 2cv

En trois semaines, 1 369 871 visiteurs payants se presseront pour voir l’un des trois exemplaires présenté sur le stand. A quelques mètres, c’est la Renault 4CV qui est ignorée. Chaque soir, après la fermeture du Salon, une équipe de 6 mécaniciens est chargée de remettre les trois 2CV en état. On change les éléments de carrosserie bosselés sur lequel le public s’est appuyé toute la journée. Les pare-chocs souffrent eux aussi énormément.
Au prix annoncé et avec les performances données dans le document distribué par Citroën, la 2CV fait bien vite oublier sa triste robe uniformément grise et ses lignes peu avenantes. A 185 000 Francs, la 2CV est la voiture la moins chère du marché face à une 4CV à 245 500 Francs, une Simca 6 à 275 000 Francs et une Panhard Dyna à 350 000 Francs !

 

1949

Cette année commémore les 30 ans de la marque aux doubles chevrons. Mais il est des urgences qui font passer tout anniversaire au second plan. Pour Citroën, cette année symbolisera plutôt la mise en fabrication et de production de la 2CV, avec de nombreuses modifications pour tenir compte des remarques des futurs clients (pendant toute la durée du salon, des sténographes restaient auprès des voitures et notaient les réflexions des visiteurs).

L’homologation avec son démarreur électrique par le Service des Mines le 24 Juin 1949 sous la désignation 2 CV TYPE A, lance définitivement la production. La commercialisation est prévue à partir du 12 Juillet. Quatre véhicules sortent par jour mais la demande ne cesse d’exploser.

A l’usine de Levallois, la production commence en douceur, officiellement en Juillet 1949, après que la 2CV soit passée au service des mines le 24 Juin. Les délais de livraison vont atteindre les 6 ans à la fin de l’année 1949, et la 2CV est à ce moment là plus chère sur le marché de l’occasion qu’en concession ! Le lancement est timide tout simplement car Citroën est incapable de tenir la cadence 80 voitures par jour que Pierre Boulanger a fixé dès le salon 1948. Le constat est alarmant, les chaînes sont approvisionnées au maximum, tout le monde veut une 2CV, mais l’usine n’arrive pas à fournir. Quand le salon de l’auto 1949 ouvre ses portes au mois d’octobre, la production plafonne à 70 voitures par jour. Les délais de livraison sont irraisonnables et il faut attendre 3 ans si vous passez commande d’un camion Citroën en même temps que votre 2CV et 6 ans dans le cas d’un achat normal. Renault livre ses 4CV en 18 mois maximum. Mais l’engouement n’est pas le même ! L’on est désormais bien loin des moqueries de l’automne 1948… Un dossier justifiant l’usage du véhicule doit être rempli afin de justifier du besoin de la 2CV (métiers agricoles, professions ouvrières…). Une seule couleur est disponible.

Le 2 septembre 1949, Citroën lance sur les routes de France une cinquantaine de 2CV A qui vont écumer les concessions et revendeurs de la marque. Certains agents ou concessionnaires n’ont vu la voiture que dans des magazines. Beaucoup ont enregistré des commandes pour une voiture qu’ils ne connaissent pas !

2CV type A

Les exemplaires seront tous livrés en Gris aluminium métallisé, (y compris les roues mais les phares sont peints en noir), avec garnissage intérieur en drap gris et volant peint en noir. Les portes sont à « ouverture inversée » : portes suicides. Calandre 2 chevrons et ovale. Capot à petites nervures et grilles de ventilation à la place des joues d’aile. Absence de coffre. Capote couvrant le coffre (avec petite glace). Absence de petites vitres arrières sur les flancs. Suite de la description de la 2CV A.

2cv type A 1949
2cv type A 1949

 

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