Usine Citroën de Levallois

L’usine de Levallois, berceau historique de la 2CV, dans le nord-ouest de l’agglomération parisienne, était la plus ancienne des usines Citroën (Javel avait été refaite en 1933). Elle avait été construite en 1903, 54 quai Michelet, par Adolphe Clément, patron des Automobiles Clément-Bayard.

En 1921, ses 70 000 m2 furent loués, puis achetés en 1929, par André Citroën pour y fabriquer la populaire 5 HP “Petite Citroën”. Détail amusant : du fait des identiques initiales “AC”, il ne fut pas nécessaire de changer les enseignes extérieures de l’usine.

Après la 5 HP on y fabriqua les autochenilles Kégresse, puis divers équipements, et, après 1926, des roulements à billes. On y trouvait aussi les magasins de stockage et d’expédition des pièces de rechange de la marque. En 1939, l’usine, dirigée par Ingueneau (qui va par la suite devenir le directeur de fabrication de Citroën) commence le montage de 250 2CV (modèle « Prototype » 1939) pour les présenter au Salon qui n’aura pas lieu du fait de la guerre. Les voitures seront détruites, sauf 4, retrouvées l’une en 1968, les autres en 1995.

 

Après la guerre, l’usine de Levallois va renouer avec sa vocation première de fabrication d’une petite voiture populaire, en devenant le temple de la 2CV. La réalisation complète de la Toute Petite Voiture, le montage des boîtes de vitesses et enfin des moteurs va prendre place ici. En 1949, la mise en route du modèle pourtant déjà présenté au salon traîne toujours, les Études et les Méthodes imposent sans cesse des délais pour d’ultimes mises au point. Alors, mandaté par Boulanger, René Jacques, l’énergique directeur de Levallois, court-circuite tout le monde et lance la fabrication, ce qui laissa le Service des Méthodes – qui imposait sans cesse des délais pour d’ultimes mises au point – devant le fait accompli. « Le développement de la 2CV, ce sont les clients qui le termineront sur la route, en répercutant leurs doléances au réseau. Que les lignes d’assemblage tournent enfin ! ».
Le lundi 11 Juillet 1949, la 2CV est mise sur chaîne. 6 voitures sont fabriquées le premier jour, 3 le 12 Juillet. La première semaine, 14 voitures sont fabriquées, prêtes à la commercialisation. La 2ème semaine (du 18 au 22/07/1949) un seul véhicule fabriqué, la 2CV 000 255.

La 2CV monte très vite en production durant ses premières années de carrière ; 876 exemplaires en 1949, 6 196 en 1950, 14 592 en 1951, 21 124 en 1952, 35 361 en 1953, 52 791 en 1954, 81 170 en 1955, 95 864 en 1959, 107 250 en 1957, 126 332 en 1958…

En Janvier 1950, Pierre-Jules Boulanger donna sa ligne directrice à la direction de l’usine : « Il faut que la 2CV soit commercialisée normalement, le plus vite possible, même imparfaite. Le client Citroën est fidèle. Il remontera au réseau les ennuis de sa voiture, et nus répercuterons immédiatement les informations sur nos lignes de montage ».

A partir de Mars 1953, il sort entre 180 et 200 voitures par jour de l’usine de Levallois Perret, laquelle marche à 100 % de ses capacités. En 1955, l’usine abandonne la fabrication des camionnettes au profit de l’usine Panhard de l’avenue d’Ivry, mais, à partir de l’été 1967 elle est en charge de la production de la Dyane, parallèlement à celle de la 2CV. Au plus fort, fin 1977, 648 voitures dont 140 Dyane sortaient tous les jours des chaînes d’assemblage. C’est le record absolu à Levallois. Avec les deux lignes de montage, il tombait une voiture toutes les 2 minutes 30 environ ! Les ouvriers travaillaient « en deux fois 8 heures » parce que le travail de nuit était interdit chez Citroën. Les machines faisaient trop de bruit dans le quartier.

La fermeture de l’usine a eu lieu en Mars 1988, et c’est Mr Claude Giroux, directeur de l’usine qui s’en chargea. Elle sera vendue à des promoteurs immobiliers. La dernière 2CV (2CV 6 Spécial rouge Vallelunga) est tombée de ligne le vendredi 26 février 1988. Ce jour-là, 90 voitures environ ont été produites. Une réception avait été organisée dans un hall de l’usine, avec des gâteaux géants confectionnés en forme de 2CV. Quand tout a été terminé, elle a emprunté la sortie de l’usine par le quai Michelet, direction l’avenue Wilson qui se trouvait 300m plus loin, et le quai d’embarquement où les voitures étaient chargées sur des péniches. C’était une convoyeuse qui la conduisait (homme ou femme, leur travail consistait uniquement à parcourir ces 300m des dizaines de fois par jour). La question qui reste entière est : pourquoi la dernière 2CV conservée par Citroën à Aulnay a une capote grise alors que celle sortie des chaînes a une capote rouge ?

 

Cet arrêt de production en France s’accompagne d’une simplification de la gamme. Le choix est désormais simple : la 2cv6 Spécial ou la 2cv6 Charleston. La production de la 2cv continue toutefois au Portugal à Mangualde. Ceci pour des raisons évidentes: les passionnés de la 2CV ne veulent pas voir leur voiture mourir et le font savoir. Pour Citroën (surtout pour PSA) cela ferait une grave contre publicité. De plus, la Deuche est décidément très dur à abattre. Elle conservera sa clientèle jusqu’à son dernier jour de production.

Plus de 3 400 000 2CV, Dyane et Méhari, y auront été fabriquées et aussi tous les moteurs bicylindres, du 375 cm3 de départ au 602 cm3 de la fin.

Parcourue en tous sens de convoyeurs aériens ou l’on pouvait voir circuler les caisses suspendues par deux comme le bétail dans un abattoir, dès 1957 l’usine donnait l’impression d’un immense encombrement, qui ne fit que s’accroître avec l’augmentation des cadences (500 voitures par jour). Sur le cliché de droite, il s’agit de l’acheminement des 2CV nues vers les bains de traitement anti-corrosion en 1958. Petit détail, le marquage Saint Gobain sur toutes les glaces d’une 2CV confirme que l’auto sort des usines de Levallois.

Des techniques modernes y étaient mises en œuvre : phosphatation des caisses au trempé, emmanchement à l’azote liquide du vilebrequin (fait en plusieurs parties, bielles en une pièce), montage complet du moteur en postes individuels à partir de boîtes contenant toutes les pièces. Les nécessités de la production imposèrent d’ajouter d’autres surfaces de production : Panhard à Ivry (560 524), Velam Isetta (53 995), plus tard Rennes-la-Janais (422 434), et, bien entendu, les chaînes de montage à l’étranger (2 454 643).

De nos jours, ils est regrettable que plus rien ne fasse référence au passé automobile de Levallois, et qu’aucune trace ne subsiste sur place de la mémoire de la 2CV. Un monstre sacré de l’histoire de l’automobile a connu ses heures de gloire à Levallois, mais cela n’a rien pesé sous le poids de la spéculation et de l’affairisme politique. Cette usine finira sous les marteaux et démolisseurs, victime de la spéculation foncière. A sa place, des immeubles d’habitation.

 

Une fois terminées, les 2CV s’accumulaient sous la grande verrière centrale avant de rejoindre le quai d’embarquement. Suspendues deux à deux à une potence, les caisses se déplaçaient d’un étage à l’autre dans l’usine de Levallois. La caisse et les pièces de carrosserie passaient du poste de lavage au poste de peinture toujours suspendues la tête en bas.

L’une des ultimes 2CV produite à Levallois, une 2CV Special rouge Vallelunga est conservée à l’état neuf par la marque (44 kms au compteur !) dans son extraordinaire conservatoire. Son numéro de série est le VK7AZKA00KA302492. Elle est très exactement sortie de l’usine du Quai Michelet le vendredi 26 février 1988 à 10h17 et immatriculée 302 RN 92 le 11 Mars suivant.

Les neuf dernières 2CV de Levallois ;
7 Spécial / 2 Club – 5 Rouge Vallelunga / 4 Blanc Meije.
Les dates de lancement sont comprises entre le 4/02/88 et le 10/02/1988.

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LESAGE
LESAGE
4 années il y a

Bonjour,
Ces images ne rendent nostalgique, en effet j’ai collaboré de 1964 à 1970 à la fabrication des moteurs et montage de ceux ci sur les chaines vues dans ce reportage. La carte postale de l’entrée de l’usine en 1970 était encore la même avec ses gardiens…

christian lanore
christian lanore
3 années il y a

J’ai travaillé sur le site de Levallois de 1976 a 1982, mon premier emploi et mon seul employeur pendant 42 ans. À l’époque j’étais chef d’équipe aux bancs d’essais moteurs puis aprés sur la ligne A d’habillage moteur. Que de bons souvenir.